L’essentiel

L’eau est-elle rare dans le monde ?

La terre est appelée planète bleue parce que les ¾ de sa surface sont recouverts d’eau. L’eau y est donc très abondante et sa quantité est stable. Pourquoi alors parle-t-on du manque d’eau ?
Nous ne pouvons utiliser facilement que l’eau douce mise à notre disposition, de façon renouvelable, par les phénomènes d’évaporation et de précipitations qui initient le cycle hydrologique. Comme il faut beaucoup d’eau douce, en particulier pour produire la nourriture, les quantités effectivement disponibles ne sont finalement pas si importantes.
En ce début de XXIème siècle, à l’échelle de la planète, nous prélevons environ 10% des flux d’eau douce disponibles. Ce chiffre est d’autant plus considérable que l’eau est très inégalement répartie sur la planète. De plus ce n’est pas nécessairement dans les régions du monde où les besoins sont les plus importants que l’eau est la plus abondante.
Enfin les pluies ne sont pas réparties de façon régulière dans le temps et c’est logiquement dans les périodes prolongées sans pluie que les besoins sont les plus forts. On ne peut donc utiliser que l’eau qui reste stockée suffisamment longtemps à proximité des lieux où on en a besoin ou qui est transportée depuis ces lieux par une rivière.
La situation est donc préoccupante dans beaucoup de régions du monde.

L’eau est-elle rare en France ?

La France métropolitaine est bien dotée en eau. Les précipitations annuelles sont largement suffisantes pour subvenir aux besoins, même si des conditions locales peuvent provoquer des tensions, essentiellement pendant les périodes estivales. [1] Ces difficultés momentanées peuvent être gérées en modifiant ou en conciliant les différents usages de l’eau : agriculture, hydroélectricité, usages domestiques, etc..
En France, la vraie question est la gestion de la qualité de l’eau disponible. La réserve principale que nous pouvons mobiliser pendant les périodes sans pluie est constituée par les nappes souterraines. Cette ressource peut être exploitée directement par des captages dans les nappes, ou indirectement en puisant l’eau dans des rivières qui sont elles-mêmes largement alimentées par ces nappes. Préserver et maintenir leur qualité est donc vital pour sécuriser notre approvisionnement. Ceci est particulièrement vrai pour les usages domestiques de l’eau qui nécessitent, pour des questions sanitaires, une eau d’excellente qualité.

Et demain ?

Les craintes pour le futur sont essentiellement associées aux conséquences du changement climatique.
Celui-ci aura très probablement des conséquences dramatiques à certains endroits de la planète. Les perspectives sont d’autant plus inquiétantes que ce sont souvent les zones les plus exposées aux risques de sécheresse qui enregistrent les plus fortes croissances de population et d’urbanisation.
En France, le changement climatique ne devrait pas modifier radicalement la quantité totale de précipitations sur le territoire, du moins au cours des 50 années à venir.
En revanche, les besoins en eau vont être plus importants avec l’augmentation des températures, en particulier au niveau de la végétation. Certaines zones géographiques pourraient connaître des périodes de déficits plus marquées. Dans ces zones plus vulnérables, une utilisation plus économe de l’eau, la diversification des ressources mobilisées, la multiplication des possibilités de transferts, l’optimisation des modalités d’usage de l’eau et le recyclage constituent des pistes qui devraient suffire à surmonter les difficultés.

[1Dans les zones de montagne, la neige de culture peut également engendrer des tensions en hiver.

Quelle est la situation dans le monde ?

Quels sont les volumes disponibles ?

Parler de rareté de l’eau sur terre apparaît à première vue assez paradoxal.
L’eau recouvre les 3/4 de la surface de notre planète appelée la « planète bleue ». Le volume d’eau libre total est de 1,36 milliards de km3, soit environ 200 millions de m3 par habitant (7 milliards d’habitants en 2013). Certes 97,4% de cette eau remplit les océans et sa salinité limite les usages que l’on peut en faire. [1] Il reste cependant, en première lecture, plus de 5 millions de m3 d’eau douce à la disposition de chacun des habitants de la planète, beaucoup plus que le plus dépensier d’entre nous n’en utilisera tout au long de sa vie.
Plus encore, contrairement au pétrole, qui est (presque) uniquement d’origine fossile et dont le renouvellement ne peut se faire que sur des temps géologiques, de l’ordre de millions d’années, l’eau est recyclée en permanence par la machine atmosphérique, et la même eau peut être réutilisée indéfiniment.
On peut donc parfaitement lui appliquer l’un des principes phares du développement durable « vivre sur l’intérêt, sans toucher au capital ». Il suffit pour cela de se contenter d’utiliser les quantités périodiquement renouvelées.

Quels sont les volumes renouvelés tous les ans ?

Le cycle hydrologique décrit la façon dont l’eau s’évapore, des océans mais aussi des surfaces continentales [2] , retombe ensuite sous forme de précipitations, puis s’écoule en suivant des cheminements plus ou moins longs et complexes jusqu’à s’évaporer à nouveau ou rejoindre un océan.
Le volume annuel moyen mobilisé par la partie continentale de ce cycle (c’est-à-dire en ne prenant pas en compte les précipitations qui retombent dans les océans) est de 83 000 km3.
L’eau pure nouvelle fournie par la nature représente donc environ 12 000 m3 par an et par terrien. Ce chiffre peut paraître extrêmement confortable à un français moyen qui en consomme 200 fois moins à son robinet.
Pourquoi alors y-a-t-il un problème ?

Quels sont nos besoins réels en eau ?

La première difficulté est que nous consommons beaucoup plus d’eau que celle que nous tirons de nos robinets :

  • Nous « mangeons » en particulier beaucoup plus d’eau que nous n’en buvons. La production d’un kilogramme de tomates nécessite par exemple plus de 150 litres d’eau ;
  • Nous avons également besoin d’eau pour de très nombreuses activités agricoles, industrielle ou de production d’énergie ;
  • Nous consommons aussi de l’eau de façon indirecte en rejetant des polluants dans les milieux aquatiques ; ces polluants doivent être dilués pour que l’eau soit à nouveau utilisable ;
  • Enfin, nous utilisons de l’eau « in situ » sans la prélever, pour la navigation, les activités nautiques, la production d’énergie par des turbines, le refroidissement des centrales nucléaires, etc.

Selon les pays, l’importance relative des secteurs de consommation est extrêmement variable comme l’illustre le schéma extrait du livre de Margat et Andréassian, 2008.
Dans le monde, l’agriculture à elle seule consomme plus de 8 000 km3 d’eau par an, ce qui représente environ 90% de la consommation totale, et presque 10% du volume disponible.
Dans tous les cas la consommation d’eau est de toute façon beaucoup forte que nous le pensons généralement et peut se mesurer par différents indicateurs, par exemple « l’empreinte eau ».
L’empreinte eau : une façon possible de connaître les quantités d’eau que nous consommons vraiment consiste à utiliser l’empreinte eau. Il s’agit d’un indicateur qui mesure l’usage direct ou indirect qui est fait de l’eau douce. L’empreinte eau se décompose en :
- empreinte eau bleue (eau de surface ou eau souterraine effectivement consommée),
- empreinte eau verte (eau de pluie mobilisée, mais immédiatement restituée au milieu naturel, par exemple sous forme d’évapotranspiration),
- empreinte eau grise (eau utilisée pour diluer les polluants).
L’empreinte eau permet ainsi de calculer la quantité d’eau nécessaire pour produire un bien quelconque. Il faut par exemple 15 m3 d’eau pour produire 1 kg de bœuf ou encore 3 m3 d’eau pour 1 kg de riz.
Le chiffre à retenir est que, en 2013, les besoins totaux en eau de l’humanité représentent plus de 10% du flux disponible.
Mais il y a encore plus grave, c’est que l’on ne peut utiliser que l’eau qui est disponible au moment où on en a besoin et à proximité de l’endroit où on en a besoin.

Comment l’eau est-elle répartie dans l’espace ?

Contrairement au pétrole, la quantité d’eau sur terre est stable, la comparaison entre l’eau et le pétrole lui est donc favorable si l’on raisonne en capacité de renouvellement de la ressource. Mais elle ne l’est pas si on raisonne en partage de cette ressource. Il n’y a en effet pas de marché mondial de l’eau comme il y a un marché mondial du pétrole. Si le pétrole produit au Moyen Orient peut être utilisé partout dans le monde, le Moyen Orient ne doit compter, du moins en première approche [3], que sur l’eau qu’il produit lui-même pour s’approvisionner.
Or l’eau douce est extrêmement mal répartie sur la planète. Selon les zones climatiques, la quantité annuelle de précipitation varie ainsi de quelques centimètres à plusieurs mètres.
Plus encore, ce ne sont pas nécessairement les zones les plus peuplées qui sont les mieux servies. Différents indicateurs permettent ainsi de mesurer la « richesse » d’un pays en eau. Le plus naturel est le volume annuel par habitant. Cet indicateur varie de quelques centaines de m3 par an dans des pays très « pauvres en eau », pour beaucoup situés en Afrique du Nord, à près de 100 000 m3 dans les pays « riches en eau », par exemple dans les pays d’Europe du Nord ou situés dans les zones équatoriales.
La carte du monde que cet indicateur fait apparaître est, par certains côtés, inattendue. La Grande Bretagne, pays pourtant réputé comme humide, apparaît ainsi comme vulnérable vis-à-vis de ses ressources en eau du fait de la densité de sa population, alors que l’Australie, pays pourtant aride semble correctement pourvu du fait de son immensité. Ceci montre aussi les limites de cet indicateur. L’échelle du pays est probablement trop vaste pour cartographier la disponibilité réelle de l’eau.

Quelles sont les quantités d’eau réellement disponibles ?

Quelle est la part des volumes précipités que l’on peut utiliser ?

Toute l’eau précipitée n’est pas réellement disponible pour l’homme. Le volume d’eau arrivant sur terre se divise en trois parts d’importance comparable.

  • Une première partie ruisselle très vite en surface, rejoint le réseau hydrographique (ruisseaux, rivières, fleuves) et s’écoule vers la mer en quelques jours ou quelques semaines.
  • Une deuxième partie s’infiltre dans les couches superficielles du sol et est utilisée par la végétation qui va la restituer à l’atmosphère sous forme d’évaporation ou d’évapotranspiration.
  • Enfin une troisième partie va se stocker, soit en surface sous forme de neige ou de glace, soit en s’infiltrant profondément dans le sol pour rejoindre une nappe d’eau souterraine.

Les volumes réellement disponibles pendant les périodes sèches correspondent essentiellement à cette troisième part et sont donc inférieurs aux quantités précipitées.

Comment évaluer la ressource mobilisable ?

La ressource mobilisable est souvent calculée comme étant égale à la quantité de précipitations moins l’évaporation [4]. Ce calcul est cependant discutable pour deux raisons :

  • il ne prend pas en compte l’eau de pluie mobilisée « naturellement » (c’est-à-dire hors irrigation) par les cultures ;
  • on n’est pas capable de stocker (par exemple dans des lacs artificiels) la totalité de l’eau générée par le ruissellement de surface. C’est difficilement faisable sur le plan technique, ce n’est pas raisonnable sur le plan économique et c’est très discutable sur le plan écologique.

Quoi qu’il en soit, l’eau mobilisable pendant les périodes sèches est uniquement constituée par l’eau stockée en surface sous forme de glace ou de neige, dans des lacs ou des retenues artificielles ou infiltrée dans les nappes souterraines.
Ceci est vrai également pour l’eau transportée par les rivières qui, en dehors des périodes de pluie, sont également alimentées par les mêmes réservoirs naturels.

Comment peut-on mesurer la « richesse » du pays en eau ?

Un autre indicateur souvent utilisé pour mesurer la richesse en eau est l’indice d’exploitation qui est le ratio entre la part de l’eau prélevée pour les besoins de l’homme et la quantité maximum disponible. Ce ratio peut d’ailleurs être supérieur à 1, soit parce que l’on exploite des réserves fossiles, c’est-à-dire des réserves en eaux profondes, constituées lors de périodes climatiques plus humides, mais qui ne se renouvellent pas à court terme (c’est par exemple le cas en Lybie), soit parce que la même eau est utilisée plusieurs fois (par exemple en Arabie Saoudite).
Cet indice est parfois difficile à manier lorsque le pays est dépendant de ressources en eau d’origine externe. Par exemple 99% des ressources en eau de l’Egypte viennent du Nil et ont pour origine des précipitations sur un autre territoire. Il serait préférable de calculer les indices d’exploitation par bassin versant fluvial. [5]

Quelle est la différence entre « eau prélevée » et « eau consommée » ?

Une autre difficulté est l’ambiguïté qui existe entre eau prélevée et eau consommée.
D’une part on peut utiliser l’eau sans la retirer de son milieu naturel, pour la pêche, la navigation ou la baignade par exemple ; c’est ce que l’on appelle la consommation « in situ ».
Mais à l’opposé, l’eau que l’on prélève dans le milieu et que l’on utilise « ex situ » n’est pas nécessairement consommée. La plus grande partie est même souvent restituée au milieu naturel après usage, même si c’est souvent après avoir altéré sa qualité (introduction de substances polluantes, élévation de sa température, diminution de son énergie potentielle, etc.). La seule partie réellement « consommée », c’est-à-dire « perdue » pour le territoire, est constituée par l’eau qui est directement rejetée en mer ou par celle qui est restituée à l’atmosphère par évaporation ou évapotranspiration.
Le schéma, extrait du livre de Margat et Andréassian (2008), illustre cette notion.
Cette différence est fondamentale car elle modifie totalement l’importance relative des différents secteurs d’usage de l’eau. En France, par exemple, l’irrigation ne constitue que le troisième secteur en importance pour les prélèvements, loin derrière la production d’énergie et même derrière la production d’eau potable, mais constitue le secteur le plus consommateur, en restituant à l’atmosphère l’essentiel de l’eau utilisée. Dans le monde et pour les mêmes raisons, la situation est similaire pour l’irrigation, qui représente 70% des prélèvements et 90% de la consommation nette.

Est-ce à cause du manque d’eau que 1 milliard de personnes n’ont pas accès à l’eau potable ?

L’un des problèmes majeurs en matière d’eau douce concerne l’alimentation en eau potable des habitants de la terre. Les maladies hydriques, c’est-à-dire due à la mauvaise qualité de l’eau consommée, tuent chaque année des millions d’enfants. Plus d’un milliard de terriens n’ont pas accès à l’eau potable en 2013 et l’essor démographique associé à l’urbanisation croissante de notre planète [6] vont encore accroître ces difficultés dans les années à venir.
Même s’il est vrai que dans certaines régions du globe l’eau est rare, le manque d’eau ne constitue cependant pas l’obstacle principal. Nous disposons en effet des moyens technologiques pour produire et apporter de l’eau en quantité suffisante pour la consommation humaine en tout point de la planète.
En fait, la limite principale provient de notre incapacité à construire et faire fonctionner durablement les infrastructures indispensables pour offrir à tous un service "eau" de qualité acceptable, par manque de ressources financières et/ou de volonté politique.

[1En réalité, il s’agit essentiellement d’une question d’énergie. L’eau douce est produite en grande partie en utilisant l’énergie gratuite du soleil pour évaporer l’eau salée des océans. Il est également parfaitement possible de produire de l’eau douce à partir d’eau salée par des procédés industriels. La vraie question n’est donc pas la ressource en eau, mais la quantité d’énergie nécessaire pour la mobiliser et donc les coûts associés.

[2Contrairement à ce que l’on pense souvent, l’eau atmosphérique à l’origine des précipitations ne vient pas uniquement des océans. A l’échelle de l’ensemble des continents, l’évaporation et l’évapotranspiration provenant des surfaces terrestres sont à l’origine d’un volume de précipitations supérieur à celui dû à l’évaporation des océans (voir le schéma sur le cycle hydrologique).

[3La difficulté du transfert de l’eau est uniquement due à l’importance très grande des frais de transport dans le coût de revient. Cette incidence économique devient supportable si on importe des biens ayant une forte « empreinte eau » mais également une plus grande valeur économique (par exemple de la viande, des légumes ou des fruits).

[4L’évapotranspiration correspond à l’eau renvoyée à l’atmosphère par les plantes du fait de leur « respiration ».

[5Le bassin versant représente l’ensemble d’un territoire drainé par un cours d’eau et ses affluents.

[6En 2012, l’humanité a dépassé un seuil symbolique : plus de 50% de sa population vit dans une ville et l’ONU estime que sur les 33 mégalopoles de plus de 8 millions d’habitants qui existeront à l’horizon 2020, 27 seront situés dans des pays dits en développement

Quelle est la situation en France ?

Quels sont les volumes disponibles et prélevés ?

La France métropolitaine reçoit en moyenne et selon les sources entre 440 et 480 milliards de m3 de précipitations par an [1]. Elle bénéficie en plus d’apports extérieurs provenant de fleuves transfrontaliers (en particulier le Rhône). On estime que le volume d’eau réellement disponible (une fois enlevée l’évaporation et l’évapotranspiration) est compris entre 170 et 190 milliards de m3 , soit un peu moins de 3 000 m3 par habitant, ce qui situe la France dans une zone d’assez grand confort. [2]
On prélève environ 34 milliards de m3 par an pour les besoins humains [3], ce qui correspond à un indice d’exploitation de 20% qui est dans la moyenne des pays industrialisés. Il reste donc encore une marge importante.
Ceci est d’autant plus vrai que sur ces 34 milliards de m3, la plus grande partie est restituée rapidement aux milieux aquatiques (c’est par exemple le cas des eaux de refroidissement des centrales nucléaires). Seuls 6 milliards de m3 sont consommés « ex situ ».
Le tableau suivant synthétise les volumes annuels utilisés et consommés en France par grands domaines d’activité. Il apparaît par exemple que l’agriculture qui ne représente que 9% de l’eau utilisée, constitue cependant la cause principale de consommation, l’essentiel de cette eau étant utilisée pour l’irrigation et donc renvoyée à l’atmosphère.

activitévolumes utilisésvolumes consommés
Energie21,381,32
Industrie3,340,36
agriculture3,012,88
usages domestiques5,681,44
total33,46

Volumes utilisés et consommés en France, en milliards de m3/an – source RNDE 2004
Les chiffres montrent que globalement la ressource en eau en France métropolitaine est largement suffisante.
Il existe cependant de grandes disparités entre les régions, soit du fait d’une grande concentration de population et d’activité (par exemple la région parisienne ou le littoral méditerranéen), soit du fait de conditions climatiques plus difficiles (régions méditerranéennes par exemple). Des difficultés locales d’approvisionnement sont donc malgré tout possibles.

Les usages urbains de l’eau sont-ils importants ?

Les usages urbains de l’eau correspondent à la consommation domestique des citadins, à une partie importante de la consommation des entreprises installés en ville et à celle associée aux usages collectifs urbains (arrosage des espaces verts, nettoyage des rues, etc.).
Ces usages représentent, selon les sources, entre 5 et 6 milliards de m3 par an, soit environ 200 litres par jour et par personne, soit encore un cinquième des volumes prélevés et un quart des volumes consommés.
La particularité principale de ces usages est qu’ils utilisent, pour l’essentiel, une eau qui est traitée après son prélèvement pour la rendre potable. C’est donc pour ces usages que les contraintes de qualité sont les plus sévères, même si seule une toute petite partie est effectivement bue.

Les 3/4 de cette eau sont restitués rapidement au milieu naturel après une « parenthèse urbaine » plus ou moins longue selon la taille de l’agglomération.

Petit cycle de l’eau ou étape particulière du grand cycle ?

On parle quelquefois de petit cycle de l’eau, ce qui est inapproprié, car l’eau prélevée à l’amont de la ville pour les besoins urbains n’est pas recyclée pour produire de l’eau potable, mais restitué au milieu aquatique à l’aval de la ville après avoir été épurée, il ne s’agit donc pas d’un cycle spécifique, mais d’une étape particulière du grand cycle de l’eau. On devrait plutôt utiliser l’expression « parenthèse urbaine de l’eau »

Les villes françaises risquent-elles de manquer d’eau ?

Les villes correspondent à des zones de très forte concentration en usagers et en activités. On peut donc penser que c’est sur ces espaces que la consommation par unité de surface est la plus grande et que la pression sur la ressource est la plus forte. C’est aussi l’endroit où les exigences de qualité sont les plus grandes et enfin le lieu où une coupure d’eau ou une limitation d’usage sera probablement le plus mal ressentie.
Une façon simple d’évaluer le risque de manquer d’eau en ville consiste à comparer le volume annuel de précipitations reçu sur le territoire d’une agglomération avec le volume nécessaire pour subvenir à ses besoins sur la même période.
Par exemple la communauté urbaine de Lyon a une surface de 500 km² et reçoit en moyenne 800 mm d’eau par an, soit un volume de 400 millions de m3. Si l’on récupérait cette eau et qu’on la répartisse entre chacun des 1,3 millions d’habitants qui la peuplent, chacun d’entre eux disposerait alors d’un peu plus de 300 m3 annuel, chiffre très supérieur aux 60 m3 actuellement consommés.
Ce calcul, certes très théorique, semble montrer que la plupart des agglomérations françaises reçoivent sur leur territoire suffisamment de précipitations pour subvenir à leurs besoins et être autosuffisantes, sans avoir besoin de recourir à des ressources extérieures.

Mais comment faire quand il ne pleut pas ?

En réalité, la situation n’est pas aussi simple. Les pluies sont réparties de façon très inégale au cours du temps, et c’est pendant les périodes les plus chaudes et les plus sèches de l’année que nos besoins en eau sont les plus forts. Nous ne pouvons alors mobiliser que l’eau disponible dans des réserves (de surface ou souterraines), situées à une distance raisonnable du point où nous en avons besoin ou celle qui se renouvelle en permanence, du fait, par exemple, de l’écoulement d’une rivière. Le chiffre réellement important n’est donc pas celui des précipitations sur le territoire, mais le volume journalier effectivement mobilisable.
Heureusement la nature est également efficace en ce qui concerne la conservation de l’eau. Il existe différents réservoirs naturels dans lesquels l’eau se stocke pendant des périodes de temps qui peuvent être très longues (plusieurs dizaines d’années, voire beaucoup plus) : la neige et la glace dans les zones de montagne, les nappes souterraines, les lacs, etc.. Ces réserves peuvent soit être exploitées directement, soit exploitées indirectement en utilisant l’eau des rivières que ces réserves alimentent.

Comment gérer la qualité de notre ressource en eau ?

Disposer d’un volume journalier d’eau adéquat n’est pas encore une garantie suffisante. Il est encore nécessaire que la qualité de cette eau permette de « fabriquer » de l’eau potable.
Par exemple, il existe en Bretagne des nappes phréatiques dont la capacité de stockage est suffisante pour subvenir aux besoins, mais qui sont trop polluées par les nitrates pour être utilisables.
Il ne suffit donc pas de conserver l’eau. Encore faut-il la conserver sans altérer sa qualité.
Dans les zones de montagnes, le stockage se fait naturellement en altitude sous la forme de neige ou de glace et la qualité de l’eau est généralement assez bien préservée.
En plaine, le stockage le plus efficace est celui qui se fait dans le sol sous forme de nappes souterraines. La qualité de l’eau stockée est alors très dépendante de la qualité des sols sur lesquels elle ruisselle et au travers desquels elle s’infiltre.
Si on utilise comme ressource l’eau qui coule dans une rivière, la qualité de l’eau dépend alors non seulement de la qualité des glaciers ou des nappes qui alimentent cette rivière, mais aussi de tous les rejets polluants qu’elle peut subir à l’amont du point de captage.
Préserver notre ressource en eau, c’est donc avant tout éviter de polluer les sols, les nappes et les rivières.

Qui fait quoi ?

En France, souvent en application de Directives Européennes, la réglementation devient de plus en plus stricte en ce qui concerne la protection de l’eau.
Les collectivités ont l’obligation de définir (et de faire respecter) des périmètres de protection des captages d’eau potable. A l’intérieur de ces zones qui alimentent directement les pompages utilisés pour produire l’eau potable, les activités sont très sévèrement contrôlées.
Différents textes imposent à l’ensemble des collectivités et des industriels de mettre en place des techniques efficaces de collecte et de traitement des effluents dans le but de préserver notre environnement et de protéger notre approvisionnement en eau.
Des efforts sont également faits pour agir à la source en limitant l’émission des polluants (lessives sans phosphates, essence sans plomb, collecte des médicaments non utilisés, limitation de l’usage des pesticides, etc.).
Malgré tout, il est indispensable que chacun, dans sa vie professionnelle comme dans sa vie quotidienne, prenne conscience des impacts possibles de ses actions sur la qualité de l’eau et choisisse en conséquence les gestes citoyens réellement efficaces.
A titre d’exemple, un seul mégot de cigarette jeté dans une rivière peut altérer la qualité de plusieurs dizaines de mètres cubes d’eau alors que couper l’eau du robinet lorsqu’on se lave les dents arrive à peine à sauvegarder quelques centaines de litres en une année.

[1Même si le calcul paraît simple (il suffit de multiplier la surface du territoire par la hauteur d’eau moyenne de précipitation reçue en un an), le volume annuel reçu est souvent variable selon les sources. L’explication principale est que les précipitations varient selon les régions et selon les années. Le choix de la période de référence (années prises en compte dans le calcul), et de la méthode retenue pour calculer une précipitation moyenne (en particulier dans les zones de montagne) explique les différences.

[2En France métropolitaine, l’évaporation et l’évapotranspiration restituent à l’atmosphère un peu plus de 60% du volume des précipitations reçues, environ 24% s’infiltrent profondément dans le sol et vont reconstituer les nappes phréatiques, le complément (16%) s’écoule rapidement en surface puis dans les cours d’eau, principalement pendant les périodes de crue.

[3Données : IFEN 2001 / Source : Le financement de la gestion des ressources en eau en France (actualisation de janvier 2012) Ministère chargé de l’écologie - 2012

Et demain ?

Quels vont être les effets du changement climatique à l’échelle de la planète ?

Il est maintenant certain que la température moyenne de la planète va augmenter au cours des décennies à venir du fait de l’augmentation des concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.
Quel effet cette augmentation aura-t-elle sur les quantités d’eau disponibles ?
La capacité de l’air à évaporer l’eau augmentant avec sa température, la première conséquence du changement climatique sera une accélération du cycle hydrologique et donc une augmentation moyenne des précipitations sur la planète, mais aussi une augmentation des besoins en eau de la végétation.
Cette augmentation des précipitations en valeur moyenne sera cependant très loin d’être homogène selon les zones climatiques. Bien au contraire, les modèles indiquent que si certaines régions recevront beaucoup plus d’eau, d’autres en recevront moins. Et malheureusement il est probable que ce seront les zones déjà arides qui verront les précipitations diminuer.
Les effets écologiques de cette évolution des précipitations seront probablement plus faibles que ceux directement associés à l’évolution des températures ou à d’autres conséquences indirectes comme l’augmentation de l’acidité des océans.
En revanche, les conséquences environnementales, humaines et socio-politiques risquent d’être considérables. Il est probable en particulier que la carte des productions agricoles soit très largement modifiée. Selon le dernier rapport du GIEC [1] , il existe même des risques importants de déplacements massifs de population et de conflits armés.

Quels vont être les effets du changement climatique à l’échelle de la France ?

En France, le territoire métropolitain devrait continuer à recevoir, en moyenne, des quantités de précipitations voisines des quantités actuelles jusqu’aux années 2040. Les disparités régionales devraient cependant s’accroître, les précipitations diminuant sur le sud et augmentant sur le nord du territoire. Au-delà de 2040, les prévisions sont plus incertaines.
En revanche, les périodes caniculaires vont devenir partout en France plus fréquentes et plus sévères et les besoins en eau pendant les périodes estivales vont très probablement augmenter. Des besoins nouveaux pourraient apparaître, en particulier pour contribuer à la climatisation des villes et à la lutte contre les ilots de chaleur.
L’ensemble de ces prévisions, même très peu précises, restent au conditionnel. La vérité est que l’on a aujourd’hui beaucoup de difficultés à expliciter à une échelle locale et à des pas de temps courts les conséquences d’une évolution climatique moyenne à l’échelle de la planète.
Ce constat ne doit pas conduire à l’inaction. Au-delà des décisions à prendre et à appliquer pour maintenir l’augmentation de température dans des limites acceptables, nous devons nous préparer à l’imprévu. Nous sommes dans l’incapacité de prédire précisément comment les quantités d’eau disponibles vont évoluer à une échelle régionale, et nous ne savons pas davantage comment nos besoins vont se transformer. Nous devons donc imaginer des dispositifs et une organisation capable de s’adapter à cet avenir incertain et de fonctionner dans des conditions aussi variées que nous pouvons les imaginer.

Quelles sont les solutions possibles ?

Comme nous ne maîtrisons pas le climat, les actions d’adaptation possibles consistent soit à diminuer les besoins, soit à augmenter la part de la ressource mobilisée.
Les grandes infrastructures, comme les retenues artificielles, permettant de stocker l’eau pendant de longues périodes, ou les canaux, permettant de transférer l’eau sur de grandes distances, constituent bien sur des solutions possibles. Elles peuvent venir compléter le stockage et les transferts naturels à l’intérieur des bassins versants.
Les grandes infrastructures ne présentent cependant pas que des avantages : elles perturbent l’équilibre naturel des écosystèmes et peuvent avoir des conséquences sociales désastreuses (par exemple déplacement massif de population comme dans le cas du barrage des trois gorges en Chine). De plus leur durabilité est incertaine.
Les grands barrages, comme par exemple le barrage d’Assouan sur le Nil, bloquent le transport des sédiments qui comblent progressivement la retenue et diminuent le volume disponible pour stocker l’eau. De plus l’eau stockée dans les réservoirs de surface se réchauffe (ce qui entraîne des proliférations d’algues, des modifications des populations de poissons, …) et s’évapore. Un barrage consomme donc de l’eau ! Et la quantité d’eau perdue est loin d’être négligeable. Le barrage d’Assouan « perd » à lui seul 12% de l’écoulement moyen annuel du Nil. A l’échelle planétaire, les pertes par évaporation des retenues artificielles s’élevaient en 2000 à 210 milliards de m3. Ces pertes sont en augmentation et commencent à peser visiblement sur le bilan hydrique mondial, au point d’être considérées comme un secteur de consommation à part entière, comme le montre le graphique extrait du livre de Margat et Andréassian, 2008.
En France, la multiplication de stockage de petites dimensions (retenues collinaires), en particulier pour les besoins de l’irrigation, pose également des problèmes multiples : diminution des débits d’eau à l’aval (en particulier en période d’étiage), augmentation de la température, obstacle aux déplacements et à la reproduction des poissons, développements d’espèces indésirables, etc.

Il paraît préférable de choisir des solutions plus économes en eau (irrigation par goutte à goutte au lieu d’aspersion, choix de cultures nécessitant moins d’eau, etc.), de diversifier les sources d’approvisionnement (par exemple en récupérant les eaux de pluie au plus près de leur point de chute ou en favorisant leur infiltration vers la nappe), ou de développer la réutilisation (la même eau peut être utilisée un grand nombre de fois si l’on prend soin de la dépolluer après usage).

Pour en savoir plus

  • Document rédigé par Bernard Chocat (LGCIE – INSA Lyon)
  • Relecteurs : Vazken Andréassian (IRSTEA), Elodie Brelot (GRAIE), Nicolas Chantepy (Agence de l’Eau Rhône Méditerranée Corse)

Ouvrages de référence

  • Camdessus Michel, Badré Bertrand, Chéret Ivan, Ténière-Buchot Pierre-Frédéric (2004) : « Eau » ; ed Robert Lafond, Paris, 290 pp
  • Hellier Emmanuelle, Carré Catherine, Dupont Nadia, Laurent François, Vaucelle Sandrine (2009) : « La France, la ressource en eau » ; collection U, Armand Colin ; 309pp.
  • GIEC (2013) : « Changement climatique 2013 – éléments scientifiques – résumé pour décideurs » ; 34pp ; téléchargeable sur : www.ipcc.ch/report/ar5/wg1/docs/WG1AR5_SPM_brochure_fr.pdf.
  • Margat Jean, Andréassian Vazken (2008) : « Idées reçues : l’eau » ; ed. Le cavalier bleu ; Paris ; 125pp.
  • Payen Gérard (2013) : « De l’eau pour tous ! Abandonner les idées reçues, affronter les réalités » ; Armand Colin ; 215pp.

Sites web de référence utilisés pour le texte de synthèse

  • http://www.developpement-durable.gouv.fr : le site du Ministère de l’écologie, en charge, au nom de l’Etat français, de la politique nationale de l’eau en cohérence avec les directives européennes. Site d’informations très complet.
  • http://www.eaufrance.fr : ce portail est le point d’entrée du Système d’information sur l’eau en France, il donne accès aux sites de bassin et aux données sur l’eau et les milieux aquatiques produites par les services publics. Il a pour but de faciliter l’accès à l’information publique dans le domaine de l’eau en France.
  • http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/doseau : informations à caractère scientifique, présentation pédagogique et très complète. http://www.lesagencesdeleau.fr : portail des sites des agences de l’eau. http://www.oieau.fr : site de l’office international de l’eau, avec en particulier un portail d’information et de documentation sur l’eau (EAUDOC©). Autres sites sur lesquels on trouve une information fiable sur l’eau
  • http://www.cieau.com : centre d’information sur l’eau, lieu d’échanges et d’information sur l’eau, créé par les industriels de l’eau.
  • http://www.onema.fr : informations scientifiques et techniques sur l’état de l’eau et le fonctionnement des milieux aquatiques
  • http://www.graie.org : informations techniques, principalement sur la gestion des eaux pluviales urbaines, l’assainissement autonome et la gestion des rivières.