Depuis l’origine de la civilisation les hommes ont tenté de contrôler les écoulements des rivières par des seuils et des barrages. On trouve aujourd’hui en France au moins 75 000 ouvrages [1] barrant les cours d’eau dont plusieurs centaines font plus de 20 mètres de haut.
Ces ouvrages ont été construits à différentes époques et pour répondre à des objectifs divers : contrôler les débits (laminage des crues et soutien des étiages), constituer des réserves en eau, produire de l’énergie, élever des poissons, faciliter la navigation, plus récemment créer des espaces de loisirs, etc. Près de la moitié des ouvrages répertoriés n’ont cependant aujourd’hui aucun usage identifié.
Les barrages perturbent de différentes manières le fonctionnement des rivières : Ils modifient leur régime hydrologique, perturbent les conditions écologiques à l’amont comme à l’aval de la retenue, diminuent les capacités d’autoépuration, modifient les processus d’érosion et de transport solide, stockent les sédiments et les polluants, fragmentent l’habitat des espèces aquatiques et font obstacle aux déplacements des grands migrateurs. Enfin, ils constituent un danger en cas de rupture et peuvent aggraver les risques d’inondation en amont.
La Directive Cadre Européenne sur l’Eau (DCE) et ses textes d’application en droit français ont pour objectif le retour au bon état écologique de l’ensemble des milieux aquatiques et ces ouvrages constituent de fait des obstacles à ce retour au bon état.
Une réflexion sur ce que l’on doit en faire est donc indispensable.
Supprimer les ouvrages qui n’ont aucun usage avéré justifiant leur existence ou dont l’utilité est faible constitue la première option. C’est en effet le moyen le plus simple et le plus efficace pour éliminer l’ensemble des contraintes imposées par l’ouvrage et pour récupérer des habitats de meilleure qualité. Cette action n’est cependant pas toujours simple à réaliser et un certain nombre d’effets doivent être pris en compte. La suppression du seuil ou du barrage va en effet libérer des sédiments souvent pollués et modifier les conditions écologiques artificielles que l’ouvrage avait instituées. Il faudra souvent un peu de temps pour qu’un nouvel équilibre ne s’installe.
Une autre solution possible consiste à aménager l’ouvrage de façon à diminuer certains de ses effets négatifs sur l’écosystème : diminuer sa hauteur, ouvrir des vannes, installer des dispositifs de franchissement, etc.
Dans tous les cas la décision de suppression ou d’aménagement doit résulter d’une réflexion comparant, sur la durée, les avantages et les inconvénients des différents scénarios envisageables. Elle doit être prise dans le cadre d’une réflexion globale sur la rivière et son bassin versant.
[1] Il s’agit du nombre actuel d’ouvrages recensés ; le nombre réel est sans doute très supérieur.
Un barrage est un ouvrage artificiel construit en travers d’un cours d’eau, que celui-ci soit permanent ou non, ou d’un thalweg [1] , et capable de retenir l’eau.
Quand le barrage n’obstrue que le lit mineur de la rivière et qu’il ne créé pas de retenue dans la vallée, on parle de seuil [2]. Les ouvrages de ce type sont généralement au moins en partie submersibles, c’est-à-dire que l’eau peut passer au-dessus d’eux en situation normale, et leur hauteur est le plus souvent inférieure à 5 mètres. Ils peuvent être fixes ou mobiles.
Le terme barrage est souvent utilisé exclusivement pour les ouvrages qui barrent plus que le lit mineur du cours d’eau. C’est d’ailleurs la définition retenue par le SANDRE [3].
Dans la suite du texte, nous utiliserons le mot barrage comme un terme générique pour désigner tous les ouvrages. En cas de besoin nous préciserons s’il s’agit d’un seuil.
La Commission internationale des grands barrages (CIGB) définit un « grand barrage » comme un barrage dont la hauteur par rapport au point le plus bas des fondations [4] est supérieure à 15 mètres.
En France, le décret du 11 décembre 2007 répartit les barrages en quatre classes en fonction des risques qu’ils font courir à l’aval.
La base de données ICE (Information sur la Continuité Ecologique) répartit les barrages et les seuils en 4 catégories.
Dès qu’ils se sont sédentarisés, les hommes ont commencé à aménager les rivières pour adapter leur environnement à leurs besoins : conserver l’eau, permettre l’irrigation, se protéger contre les crues, faciliter la navigation, produire de l’énergie, évacuer leur déchets, etc. Il semble ainsi que les plus anciens barrages aient été construits au Moyen Orient il y a probablement plus de 6 000 ans.
Les barrages ont été utilisés par toutes les civilisations et sur tous les continents. On en trouve des traces aussi bien en Chine, en Inde, au Sri Lanka qu’au Mexique ou qu’en Egypte.
En Europe, les Romains furent bien évidemment des bâtisseurs de barrages, essentiellement pour l’irrigation ou l’alimentation en eau. Des ruines, notamment en Espagne, témoignent encore de ces ouvrages. Mais c’est au Moyen Âge que les barrages se sont fortement développés en particulier pour alimenter les moulins à eau [5]. On estime par exemple qu’il existait en France près de 40 000 moulins à la fin du XIIIème siècle et près de 100 000 au début du XIXème.
Les barrages nécessaires à l’alimentation de biefs des moulins étaient de hauteur modeste et leur capacité de stockage était pratiquement nulle. Les barrages avaient également d’autres fonctions très importantes, en particulier celle de créer des retenues pour la pisciculture. Les poissons, et en particulier les carpes, constituaient en effet l’une des principales sources de protéines.
A partir de la renaissance, les besoins énergétiques de la sidérurgie au bois ont été à l’origine de la réalisation de très nombreux lacs de forge de plusieurs dizaines d’hectares de superficie, capables de stocker plusieurs millions de mètres cubes.
Certains ouvrages, notamment en Espagne, avaient déjà des hauteurs importantes. Le barrage d’Almonacid, près de Saragosse, construit au XIIIème siècle sur les ruines d’un barrage romain et aujourd’hui remblayé, faisait 29 mètres de hauteur. Celui de Tibi, construit entre 1579 et 1589 est resté, avec 46 mètres, le plus haut du monde pendant près de trois siècles.
Les grandes crues de la fin du XIXème siècle, associées à la découverte de l’électricité vont justifier la construction de barrages de plus en plus hauts et capables de stocker des volumes d’eau de plus en plus importants. Les usages de ces retenues vont cependant rester multiples : production d’énergie et contrôle des crues, mais aussi alimentation en eau potable, irrigation des cultures, puis, plus tardivement, équipements touristiques.
Enfin, dans la seconde moitié du XXème siècle, les grands travaux d’aménagement du territoire se concrétisent par la construction de nouveaux seuils, de hauteur généralement assez faible (moins de cinq mètres), visant à protéger les infrastructures ou à ouvrir de nouvelles zones à l’urbanisation en fixant les cours d’eau.
L’ensemble de ces ouvrages constituent des obstacles à l’écoulement dans la mesure où ils perturbent le libre écoulement des eaux, mais également le transport des sédiments ou la circulation des espèces aquatiques.
La Directive Cadre Européenne sur l’Eau (DCE) et ses textes d’application en droit français ont pour objectif le retour au bon état écologique [6] de l’ensemble des milieux aquatiques et ces ouvrages constituent de fait des obstacles à ce retour au bon état [7].
Une réflexion sur ce que l’on doit en faire est donc indispensable.
Ce rapide historique montre cependant qu’il existe une très grande diversité d’ouvrages, en termes de finalités, de dimensions, d’architecture ou d’histoire. Les informations données dans la suite du texte doivent donc être analysées avec précaution.
L‘ONEMA a entrepris la mise en place de deux bases de données : la première pour recenser tous les obstacles à l’écoulement existant en France (Référentiel des Obstacles à l’Ecoulement ou ROE), la seconde pour évaluer leurs impacts sur la continuité écologique (Information sur la Continuité Ecologique, ou ICE).
Les données actuellement référencées peuvent être consultées en ligne sur le site CARMEN [8] (voir figure).
Ce recensement montre qu’il existe en France plus de 75 000 ouvrages barrant les cours d’eau [9]. 296 d’entre eux ont plus de 20 mètres de haut [10] et 99 ont une capacité de stockage supérieure à 15 millions de mètres cubes.
Plus de la moitié de ces 75 000 ouvrages n’a pas d’usage avéré répertorié et seuls 640 sont gérés par EDF [11] pour produire de l’électricité [12].
Croire que la majorité des ouvrages barrant les rivières sont des grands barrages destinés à la production hydro-électrique est donc une idée totalement fausse.
800 000 barrages ont été construits dans le monde au cours du XXème siècle, dont 52 000 sont considérés comme des grands barrages. La Chine (46 %), les États-Unis (14 %) et l’Inde (9 %) totalisent à eux seuls près des trois quarts de ces grands barrages. L’énergie hydro-électrique est à l’origine de 20% de l’électricité utilisée sur la planète, mais l’irrigation semble être la motivation principale de la construction des barrages récents [13]
Les projets de barrages connaissent un regain d’intérêt depuis l’an 2000, notamment en Asie, en Afrique ou en Amérique du Sud. De gigantesques projets se développent ainsi sur ces continents, massivement aidés par les grandes institutions financières (Banque mondiale, banque européenne d’investissement).
[1] Un thalweg est la ligne qui rejoint les points les plus bas d’une vallée ; l’eau peut ne s’y écouler que de façon occasionnelle.
[2] S’il n’obstrue qu’une partie du lit mineur, on parle d’épi.
[3] Le SANDRE est le Service d’Administration Nationale des Données et Référentiels sur l’Eau. Voir http://www.sandre.eaufrance.fr
[4] Comme les barrages sont encastrés dans le sol, la hauteur sur fondations est supérieure à la hauteur au-dessus du terrain naturel. En France c’est généralement la hauteur par rapport au sol qui est retenue. C’est en particulier cette hauteur qui est prise en compte dans le décret du 11 décembre 2007 relatif à la sécurité des ouvrages hydrauliques.
[6] L’état écologique d’un milieu aquatique est déterminé à l’aide d’éléments de qualité biologiques (espèces végétales et animales présentes), hydromorphologiques et physico-chimiques. Ces éléments sont appréciés par des indicateurs (par exemple les indices invertébrés ou poissons). Pour chaque type de milieu (par exemple : petit cours d’eau de montagne, lac peu profond de plaine, côte vaseuse, etc.), on commence par définir des conditions de référence qui sont représentatives d’un milieu de ce type pas ou très peu influencé par l’activité humaine. On caractérise ensuite l’état du milieu aquatique étudié en mesurant l’écart entre les conditions de ce milieu et les conditions de référence correspondant à son type. Selon cet écart on range le milieu étudié dans l’une des cinq classes suivantes : très bon, bon, moyen, médiocre ou mauvais.
[7] Voir en particulier la Circulaire du 18 janvier 2013 relative à l’application des classements de cours d’eau en vue de leur préservation ou de la restauration de la continuité écologique, téléchargeable sur :
http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2013/02/cir_36497.pdf.
[9] 75 000 ont déjà été répertoriés, mais le recensement est encore en cours.
[10] 569 dont la hauteur par rapport au point le plus bas des fondations est supérieure à 15 mètres sont considérés comme des grands barrages par la Commission internationale des grands barrages (CIGB).
[12] Il existe au total environ 2 250 installations de production hydro-électrique de tailles et de puissances très diverses. A la différence des grands barrages, la petite hydroélectricité se distingue par des centrales installées « au fil de l’eau », sans création de retenue d’eau. Ces petites centrales hydroélectriques ont assuré 52 % de la production totale en 2012 (source : http://www.rte-france.com/fr/).
[13] Voir le rapport de la commission mondiale des barrages (World Commission on Dams - WCD), disponible en français sur le site des Nations Unies : http://www.unep.org/dams/WCD/report.asp.
Les barrages sont construits pour répondre à des objectifs divers : contrôler les débits (contrôle des crues et soutien des étiages), constituer des réserves en eau, produire de l’énergie, élever des poissons, faciliter la navigation, plus récemment créer des espaces de loisirs, etc. Nous allons analyser plus en détail leur utilité réelle concernant trois grands domaines :
Les précipitations sont irrégulièrement réparties dans le temps et c’est bien sûr pendant les périodes chaudes et sèches que les besoins en eau sont les plus importants. Stocker l’eau en excédent pendant les périodes humides pour pouvoir l’utiliser pendant les périodes sèches semble donc une idée logique. Ceci est d’autant plus vrai que lors des crues une partie importante des précipitations ruisselle très vite et rejoint la mer ou l’océan en quelques jours sans avoir pu contribuer à reconstituer les réserves naturelles que constituent les nappes d’eau souterraines. Intercepter ces volumes permet donc en théorie d’augmenter les ressources mobilisables sur le bassin versant.
Beaucoup de retenues d’eau [1] ont donc été construites dans le but d’alimenter en eau potable des agglomérations importantes ou de développer des cultures dans des zones où ce serait impossible sans irrigation.
D’après la Commission Mondiale des Barrages (CMB), "La moitié des grands barrages construits dans le monde l’a été exclusivement ou principalement pour l’irrigation, et 30 à 40 % des 271 millions d’hectares irrigués dans le monde le sont à partir de barrages".
En France, à titre d’exemple, la retenue du barrage de Serre-Ponçon dispose d’une capacité de 1,2 milliards de mètres cubes, ce qui correspond à 3,6% de la consommation annuelle française. Cette ressource est vitale pour assurer l’irrigation de la basse vallée de la Durance et l’alimentation en eau de la Ville de Marseille.
A l’autre extrémité de l’échelle des tailles d’ouvrage on trouve les retenues collinaires [2]dont la surface est généralement de quelques centaines à quelques milliers de mètres carrés, et qui permettent l’irrigation locale ou, en montagne, servent de réserve d’eau pour les canons à neige.
La multiplication de ces étendues d’eau n’est pas sans effet sur le bilan hydrique. Exposée au soleil et au vent, l’eau des retenues s’évapore. Les retenues sont donc également des consommatrices d’eau ! Un exemple extrême est constitué par le barrage d’Assouan qui « perd » à lui seul 12% de l’écoulement moyen annuel du Nil. A l’échelle planétaire, les pertes par évaporation des retenues artificielles s’élevaient en 2 000 à 210 milliards de m3. Ces pertes sont en augmentation et commencent à peser visiblement sur le bilan hydrique mondial, au point d’être considérées comme un secteur de consommation à part entière ;
Les seuils et les barrages permettent indéniablement de mobiliser l’eau sur de plus longues périodes, mais ils n’augmentent donc pas nécessairement les ressources. Si l’on raisonne en termes de bilan annuel, ils peuvent même être des consommateurs d’eau.
Un barrage permet de stocker un certain volume d’eau. Si ce volume est celui qui s’écoule pendant la période où le débit dans la rivière est le plus fort, le barrage peut donc écrêter la pointe de la crue et limiter ainsi la sévérité des inondations à l’aval.
Beaucoup de barrages ont ainsi été construits avec pour objectif principal ou secondaire la protection des agglomérations contre les risques d’inondation.
En pratique, cette fonction de limitation des pointes de crue ne peut être remplie que si la capacité de stockage disponible dans la retenue au moment où la crue arrive est supérieure au volume de la crue à retenir.
En effet, pour des raisons de sécurité, le niveau de l’eau dans la retenue ne doit jamais dépasser une valeur maximum, dite cote des plus hautes eaux (PHE) (voir le § « Comment les barrages sont-ils dimensionnés ? »). Si cette valeur était dépassée, le barrage risquerait de se rompre avec des conséquences catastrophiques. Lorsque la retenue est pleine on actionne donc des vannes, appelées déversoirs de crue, qui évitent de dépasser cette cote de sécurité.
Dans le meilleur des cas, on est capable d’anticiper parfaitement la crue et donc de choisir la valeur de débit régulé de façon à utiliser au mieux le volume disponible pour stocker le volume d’eau correspondant aux débits les plus forts. Dans ce cas, et selon l’importance de la crue, le débit, même régulé, peut cependant entraîner des inondations, mais moins importantes que celles qui auraient été observées sans le barrage.
Mais si l’on a mal anticipé la crue et que l’on a commencé à stocker l’eau trop tôt, le barrage peut être plein avant que la pointe de débit ne soit atteinte. Dans ce cas, on est alors obligé d’ouvrir les vannes et de laisser passer l’eau au moment où le débit est le plus fort. Le barrage ne joue alors plus aucun rôle pour limiter le débit de pointe de la crue. Il peut même en aggraver les conséquences car la montée en débit est plus rapide.
Pour des raisons à la fois techniques et économiques, le volume de stockage disponible est obligatoirement limité. Les barrages sont donc extrêmement efficaces pour contrôler les petites crues, mais leur utilité diminue, voire disparaît complétement, lorsque les crues deviennent plus fortes.
De plus, le fait de diminuer la fréquence des crues donne souvent un faux sentiment de sécurité. On croit la rivière domestiquée, et on développe l’urbanisation dans des zones exposées. La vulnérabilité de ces espaces augmente et lorsque la crue arrive, ses conséquences sont plus importantes.
En conclusion les barrages permettent de limiter l’impact des crues moyennes mais ne constituent pas une méthode réellement efficace pour se protéger contre les crues les plus violentes.
En France, tout le monde a encore en mémoire la catastrophe de Fréjus causée par la rupture du barrage de Malpasset [3] en 1959. Les causes de cette catastrophe sont l’association d’une crue très brutale du Reyran, rivière sur laquelle était construit le barrage, et d’une mauvaise évaluation des risques géologiques associés au site choisi.
Ce type de catastrophe peut-il se reproduire ? La réponse est oui, même si la probabilité de rupture est extrêmement faible. Le rapport de Christian Kert pour l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques [4] indique que, au cours du dernier siècle, près de 1% des grands barrages se sont rompus ! La probabilité de rupture est sans doute encore plus forte pour les petits barrages, « dont on ne se souvient plus toujours bien qui les a réalisés ni, a fortiori, qui se sent responsable de leur maintenance ».
En pratique, trois familles de risques menacent les barrages : les risques technologiques (mauvaise conception ou mauvaise réalisation de l’ouvrage ou défaut d’entretien [5]), les risques géologiques (essentiellement séismes ou glissements de terrain) et les risques hydrologiques (crue supérieure à celle prise en compte pour le dimensionnement de l’ouvrage).
Suite à la catastrophe de Malpasset, la France a mis en place un Comité Technique Permanent des Barrages et Ouvrages Hydrauliques (CTPBOH) constitué d’experts et chargé de donner son avis sur tous les projets de grands barrages (choix du site, type d’ouvrage, crue de projet, conception, dispositif d’auscultation, etc.). Par ailleurs la réglementation relative au recensement et à la surveillance des ouvrages a été renforcée en 2007 et tout est mis en place pour maîtriser aux mieux les risques technologiques [6].
Les risques naturels sont beaucoup moins contrôlables. Nous ne développerons pas ici les risques sismiques qui sont relativement faibles en France et pour lesquels on peut donc se prémunir en surdimensionnant fortement les ouvrages [7] et insisterons davantage sur les risques hydrologiques.
En France, le dimensionnement hydrologique des barrages repose sur deux critères : le choix d’une période de retour [8] pour la crue de projet, qui fixe la cote des plus hautes eaux (PHE), et l’application d’une sécurité au-dessus de cette cote des plus hautes eaux (que l’on appelle la « revanche »), pour tenir compte du risque de formation d’une vague dans la retenue.
Les périodes de retour prises en compte pour la crue de projet sont généralement de 1 000 ans pour les barrages en béton et de 10 000 ans pour les barrages en remblais. Cette valeur peut paraître élevée. En pratique, elle signifie que chaque année, la probabilité d’avoir une crue plus forte que la crue de projet est comprise entre 1/1 000 et 1/10 000. Si on considère une durée d’un siècle, normalement inférieure à la durée de vie d’un barrage, les probabilités deviennent respectivement d’une chance sur 10 ou d’une chance sur 100, ce qui est loin d’être négligeable.
Cette probabilité de 1/1 000 à 1/10 000 par an est mille fois supérieure à celle que prévoit la réglementation européenne (eurocodes) pour les ouvrages à risque. Ces derniers limitent en effet la probabilité annuelle de rupture à 1/1 000 000, voire à 1/10 000 000 pour les ouvrages les plus dangereux. Les concepteurs des grands barrages recherchent donc en réalité une probabilité annuelle de défaillance d’un grand barrage qui réponde à la réglementation européenne et « intègre(nt) donc, dans les calculs hydrologiques, dans la revanche et dans les résistances ultimes des barrages au-delà des PHE, des facteurs décisifs, mais qui ne font pas l’objet d’un dimensionnement » (Deroo, 2000).
Quoi qu’il en soit, il est impossible de se protéger contre toutes les situations et il est toujours possible que la rivière connaisse une crue plus forte que celle prise en compte pour dimensionner le barrage, et donc que la stabilité de l’ouvrage soit mise en danger.
Ceci est d’autant plus vrai en cette période de changement climatique où il est impossible de prévoir comment les évènements pluvieux extrêmes vont se modifier au cours du siècle à venir.
Il ne faut pas confondre la crue de projet à laquelle le barrage doit résister et qui est prise en compte dans son dimensionnement avec la crue contre laquelle le barrage protège la vallée à l’aval.
La période de retour de celle-ci est toujours bien inférieure à la crue de projet pour laquelle on fait l’hypothèse que le déversoir de crue est totalement ouvert et donc que le barrage ne joue plus aucun rôle.
L’énergie hydro-électrique est souvent présentée comme une énergie renouvelable non polluante, ou du moins n’émettant pas de gaz à effets de serre.
Ceci n’est en fait pas exact. D’une part les barrages affectent fortement les rivières sur lesquelles ils sont construits (voir le § « Quels sont les effets négatifs des barrages sur les rivières ? ») ; d’autre part des émissions de gaz à effet de serre ont lieu lors de la phase de construction (fabrication, transport et mise en place des matériaux nécessaires à la construction du barrage), mais aussi d’exploitation des aménagements hydroélectriques [9] .
Les émissions lors de la phase de construction semblent peu significatives sur le cycle de vie complet des réservoirs hydroélectriques.
Les émissions en cours d’exploitation ont été pointées du doigt depuis une vingtaine d’années. Elles sont essentiellement dues à l’inondation d’écosystèmes continentaux. Ces émissions, essentiellement sous forme de méthane, ont deux causes principales :
Les résultats des différentes études réalisées sont extrêmement discordants et les chiffres cités (généralement exprimés en kg d’équivalent CO2 émis par kwh produit) varient dans un rapport de 1 à 100 000 ! Différents facteurs expliquant cette variabilité ont été proposés : âge de la retenue, profondeur, région climatique, etc., mais d’autres facteurs encore mal compris semblent exister.
Une autre explication réside dans les différences entre les méthodologies utilisées pour évaluer les émissions.
Une conclusion provisoire, et encore controversée, est que les émissions semblent en général assez faibles pour les régions tempérées ou boréales, mais qu’elles peuvent être très importantes pour les régions tropicales.
Nous illustrons cette conclusion par le tableau suivant extrait de Duchemin (2001) qui compare les émissions de quelques installations avec celles des centrales thermiques au gaz et au charbon.
Réservoirs | Profondeur du réservoir | Superficie inondée (km²) | Production énergétique (TWh) | Emissions (Mt eq.CO2/an par TWh/an) |
---|---|---|---|---|
Réservoirs en région tropicale | ||||
Tucurui | profond | 2 450 | 18,00 | 0,2 (+/- 0,05) |
Sera de Mesa | profond | 1 100 | 10,00 | 0,2 (+/- 0,05) |
Petit-Saut | moyennement profond | 310 | 0,56 | 2 (+/- 1,25) |
Curuà-Una | peu profond | 72 | 0,10 | 3 (+/- 1,6) |
Balbina | peu profond | 3 147 | 0,97 | 14 (+/- 7) |
Centrales thermiques au charbon | 1,1 (+/- 0,2) | |||
Centrales au gaz | 0,8 (+/- 0,4) |
Émission de GES par unité d’énergie depuis certains réservoirs types. Tucuruí et Sera de Mesa sont des réservoirs profonds, Petit-Saut ; est un réservoir moyennement profond, Curuá-Una et Balbina sont des réservoirs peu profonds.
En résumé, les quantités de gaz à effets de serre émises par les barrages sont donc extrêmement variables et la question reste controversée. Dans la plupart des cas, les émissions semblent cependant plus faibles que celles émises par les centrales thermiques, même si elles ne sont pas négligeables. Dans le cas de retenues de faible profondeur construites en zone tropicale, les émissions peuvent être plus importantes, voire beaucoup plus importantes, que celles d’une centrale thermique.
De façon évidente, la matière première utilisée par une centrale hydro-électrique est renouvelable. L’eau alimentant les rivières est recyclée en permanence par l’énergie solaire et les turbines d’un barrage ne nécessitent aucune ressource fossile.
De ce point de vue l’énergie hydro-électrique possède donc un avantage indéniable sur toutes les formes d’énergie qui reposent sur l’utilisation de combustibles fossiles.
La construction d’un barrage visant à produire de l’électricité n’est cependant pas sans conséquences négatives et trois éléments complémentaires doivent cependant être pris en compte :
Les coûts de production réels sont des informations difficiles à obtenir, d’une part parce qu’elles relèvent du secret commercial, d’autre part parce qu’elles reposent systématiquement sur des hypothèses difficiles à vérifier (durée d’amortissement, évolution du coût des combustibles fossiles, évaluation des coûts de démantèlement, prise en compte ou non de la fiscalité, etc.).
Nous utiliserons ici les valeurs proposées par le Ministère de l’écologie en 2008.
Ces valeurs montrent que l’énergie hydro-électrique est en général l’une des plus économiques du marché.
Un autre avantage de l’énergie hydro-électrique est la réactivité de la mise en production. Le temps de réponse est en effet extrêmement court pour mettre en marche une turbine, contrairement à une centrale thermique et encore plus à une centrale nucléaire. De plus, les barrages permettent, dans un certain sens, le stockage de l’électricité, puisque l’énergie produite en heures creuses peut être utilisée pour pomper l’eau dans un réservoir plus élevé.
En revanche, cette énergie est dépendante des réserves en eau, de la pluviométrie et de la façon dont le barrage est géré. Par ailleurs (comme d’ailleurs pour les autres sources d’énergie), on ne prend généralement pas en compte des coûts environnementaux indirects (en particulier l’altération des services écologiques rendus par la rivière).
Les aménagements hydrauliques se sont constitués au fil des siècles et reflètent notre histoire. Par ailleurs ils ont progressivement constitués des écosystèmes et des paysages qui, même s’ils ne sont pas naturels, peuvent cependant avoir un intérêt et une valeur.
Cette valeur patrimoniale, à la fois historique et environnementale a également des conséquences économiques. Au-delà des usages d’irrigation ou de production d’énergie qu’ils permettent, certains barrages jouent un rôle important dans l’activité touristique : pèche, baignade, loisirs nautiques, promenade, etc. Ceci est vrai aussi bien pour de grands barrages comme Serre-Ponçon ou Vassivière que pour de petites retenues plus anciennes qui structurent le paysage.
Ceci ne signifie nullement que la rivière sans le barrage aurait une valeur patrimoniale moindre. En revanche, ce ne seraient pas les mêmes acteurs économiques ou sociaux qui en tireraient partie.
[1] Les seuils, même s’ils ne barrent que le lit mineur de la rivière et ne permettent pas de stockage dans la vallée, contribuent à remonter la nappe d’eau souterraine à l’amont et augmentent ainsi le stockage dans le sol.
[2] Les retenues collinaires sont des ouvrages construits très à l’amont des bassins versants en travers une combe ou un vallon dans le but de stocker les eaux de ruissellement ou celles d’un petit ruisseau.
[3] Le barrage de Malpasset était destiné à assurer l’alimentation en eau de l’agglomération de Fréjus/Saint-Raphaël dans le Var. Il s’est rompu le 2 décembre 1959, faisant 423 victimes et des dégâts matériels considérables. C’est une des plus grandes catastrophes civiles françaises du XXe siècle.
[4] Voir « L’amélioration de la sécurité des barrages et ouvrages hydrauliques » ; Téléchargeable sur : http://www.senat.fr/rap/r07-454/r07-454-syn.pdf
[5] L’un des risques importants est le vieillissement du béton qui peut altérer sa résistance.
[6] Les DREAL (Directions Régionales de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement) sont chargées des ouvrages appartenant à l’État et confiés par concession à un aménageur / exploitant. Les MISE (Mission Inter Services sur l’Eau, au sein des DDT) sont chargées des ouvrages réalisés et exploités sous le régime de l’autorisation (petite hydroélectricité, et ouvrages sans utilisation énergétique).
[7] Le barrage de Serre-Ponçon pourrait par exemple supporter un séisme de magnitude 7 jamais observé dans la région.
[8] La période de retour est l’intervalle de temps moyen séparant deux événements au moins aussi fort que celui pris comme référence. Elle permet de calculer la probabilité qu’un tel événement survienne au cours d’une année particulière. Par exemple dire qu’un événement a une période de retour de 1 000 ans signifie que l’on a théoriquement une chance sur 1 000 qu’un événement au moins aussi fort se produise au cours de l’année à venir.
[9] On parle ici exclusivement des installations de production installées à l’aval d’une retenue et non des installations « au fil de l’eau ».
Une rivière constitue un écosystème complexe qui ne peut se comprendre que si on prend en compte ses quatre dimensions :
L’équilibre de l’écosystème complet va donc être modifié si l’une ou l’autre de ces dimensions subit une perturbation, même localisée. Or un barrage modifie les connections transversales et en profondeur. Il limite également les connections longitudinales et modifie fortement les évolutions temporelles.
Un barrage perturbe donc obligatoirement le fonctionnement de la rivière.
Malavoi & AREA (2003) identifient trois types d’effets des barrages et des seuils : effets dus à la modification des flux, effets dus à la retenue, effets dus au point dur constitué par le seuil. Ces effets peuvent parfois être perçus comme positifs pour certains usages mais il s’agit malgré tout toujours de modifications qui perturbent le fonctionnement naturel de l’écosystème.
Les principales perturbations sont les suivantes :
Il est important de noter que l’accumulation des obstacles le long d’une rivière aggrave les conséquences de chacun d’entre eux.
[1] Le débit augmente dans les périodes pendant lesquelles on fait tourner les turbines (éclusées) et diminue lorsque l’on recommence à stocker l’eau dans la retenue. Ce fonctionnement entraîne en général des variations journalières marquées du débit.
[2] Le manque d’alluvions grossières à l’aval pénalise le fonctionnement écologique car ce type d’alluvions constitue un habitat important pour de nombreuses espèces. Le déficit de matériaux sédimentaires peut également entraîner un abaissement du fond du lit de la rivière (la rivière creuse son lit), préjudiciable aux milieux aquatiques (déconnexion entre le lit mineur et les espaces naturels alluviaux,) et aux usages (risque de déstabilisation d’ouvrages en berges ou de pont, baisse du niveau de la nappe d’eau souterraine, etc.)
Si l’on pose cette question uniquement en termes écologiques et en ne se préoccupant que de la qualité des milieux aquatiques, la réponse est bien sûr non. Un barrage perturbe nécessairement le bon fonctionnement de la rivière, quelles que soient les précautions prises ; il faudrait donc arrêter d’en construire.
En réalité, la question ne peut cependant pas être posée de façon aussi simple. Un barrage est construit pour atteindre un ou plusieurs objectifs et l’enjeu de la meilleure gestion des écosystèmes aquatiques n’est que l’un des éléments de la discussion, y compris en termes écologiques.
Nous nous garderons donc de répondre à cette question en espérant que ce texte apporte des éléments d’évaluation en ce qui concerne les enjeux associés à la gestion des milieux aquatiques.
La question du sort à réserver aux ouvrages existants se pose bien évidemment de la même manière que celle des nouveaux ouvrages, à savoir celle du bilan entre les avantages et les inconvénients du barrage.
Il y a cependant une importante différence. Sur les 75 000 ouvrages recensés plus de la moitié n’ont aucune fonction connue… Il est donc certain que, au moins pour ceux-ci, et probablement pour beaucoup d’autres, les inconvénients l’emportent sur les avantages. Que faut-il donc en faire ?
Faut-il démolir les ouvrages sans usage ?
Effacer un seuil ou un barrage [1] peut se faire en démolissant seulement la partie qui dépasse le niveau naturel du lit de la rivière (on parle alors d’arasement) ou en enlevant également les fondations (on parle alors de dérasement). La différence entre les deux solutions est importante en termes de contrôle de l’érosion. Les fondations constituent en effet un point dur qui fige la cote du fond au droit de l’ouvrage.
Ces deux options sont toujours les premières à considérer dans une démarche de réflexion sur le devenir des ouvrages. Il paraît en effet peu logique de conserver des ouvrages qui perturbent un écosystème lorsque ces ouvrages n’ont aucun usage avéré qui justifie leur existence. Leur suppression va au contraire avoir un grand nombre de conséquences positives : reconstituer des habitats favorables à de nombreuses espèces, permettre la circulation des espèces et des sédiments, améliorer la qualité de l’eau, recréer des paysages d’eau vive, etc.
Effacer un seuil ou barrage n’est cependant pas toujours aussi simple.
Cette action va en effet modifier un équilibre écologique [2], même si celui-ci est artificiel et de mauvaise qualité, ainsi qu’un équilibre social et économique, et ceci n’est pas sans conséquences.
Du fait des éléments précédents, il existe des freins à la suppression des seuils et des barrages et beaucoup de décisions de suppression font l’objet de critiques, parfois violentes. Différents arguments, plus ou moins solides, leurs sont opposés.
Les risques évoqués ne sont donc pas toujours avérés et ne doivent pas occulter le fait que la suppression du barrage aura également beaucoup de conséquences positives :
Cependant ces risques existent et doivent être étudiés. La décision de supprimer un ouvrage nécessite donc une réflexion préalable pour faire le bilan des bénéfices et des inconvénients et envisager les mesures correctives possibles.
Si la décision d’arasement n’est pas celle retenue, soit parce que l’ouvrage est considéré comme trop utile pour pouvoir être supprimé, soit parce que les risques associés à son effacement total semblent trop importants, il est cependant possible d’envisager d’autres actions.
Certaines de ces solutions peuvent diminuer efficacement certaines des perturbations dues au barrage. Par exemple une rivière de contournement bien conçue va restaurer la continuité écologique ; les actions sur les vannes peuvent permettre de rétablir des conditions correctes pour le transfert des sédiments, etc.
Dans tous les cas ces solutions seront cependant moins efficaces que l’arasement ou le dérasement simple de l’obstacle. Par ailleurs elles peuvent nécessiter un entretien éventuellement couteux et pérenne.
Comme indiqué plus haut une rivière est un écosystème possédant une dimension longitudinale. Si cette continuité est interrompue par plusieurs ouvrages, l’effacement ou l’aménagement d’un seul d’entre eux n’aura sans doute pas tous les effets escomptés.
Il est nécessaire de réfléchir les actions dans le cadre d’un plan concerté de restauration à une échelle suffisamment importante pour prendre en compte tous les éléments susceptibles d’avoir un impact sur les résultats souhaités. L’idéal est de travailler sur l’ensemble du bassin versant de la rivière.
Concernant les seuils et les barrages, le contexte réglementaire est marqué par deux obligations :
Ces deux contraintes ont conduit à la mise en place en 2009 d’un plan d’action pour la restauration de la continuité écologique, à la modification du code de l’environnement (articles L 214-17 et 214-18) et à la publication de la circulaire du 18 janvier 2013 [4]
relative à l’application des classements de cours d’eau en vue de leur préservation ou de la restauration de la continuité écologique.
La directive cadre sur l’eau (DCE) du 23 octobre 2000 fixe aux États membres un objectif d’atteinte du bon état des cours d’eau d’ici à 2015. Le « bon état » est fondé sur l’évaluation de l’état chimique et écologique de nos cours d’eau.
L’état écologique est mesuré par des paramètres biologiques, dont notamment la diversité et l’abondance des espèces animales (invertébrés et poissons) et végétales présentes dans les rivières.
La dégradation des conditions hydromorphologiques des cours d’eau est souvent un facteur déterminant qui limite cette biodiversité. Cette dégradation résulte de la rectification, du recalibrage ou de la chenalisation des cours d’eau, mais aussi de leur fragmentation par les obstacles. Elle altère notamment la qualité des habitats des différentes espèces aquatiques, la qualité de l’eau et le transport des sédiments.
L’amélioration des conditions hydromorphologiques et en particulier de la continuité écologique, est donc nécessaire au rétablissement du bon état des masses d’eau requis par la directive européenne.
La circulaire du 18 janvier 2013 vise à classer les cours d’eau et tronçons de cours d’eau jugés prioritaires dans deux listes distinctes. Pour les cours d’eau classés en liste 2 les services de l’Etat devront « imposer dans les 5 ans aux ouvrages existants, les mesures correctrices de leurs impacts sur la continuité écologique ».
Outre les obligations de la DCE liées au respect de la continuité écologique, les ouvrages hydrauliques sont soumis à des règles de sécurité définies par le code de l’environnement. L’ensemble des ouvrages supérieurs à deux mètres est désormais concerné puisque de nouvelles dispositions visent à assurer la sécurité des ouvrages hydrauliques autres que les barrages hydroélectriques.
La sécurité publique constitue donc également une raison justifiant l’effacement de seuils ou de barrages.
Le 13 novembre 2009, la secrétaire d’État en charge de l’écologie, a annoncé le lancement d’un plan d’action national pour la restauration de la continuité écologique des cours d’eau articulé autour de cinq piliers :
1- le renforcement de la connaissance sur les seuils et barrages, avec notamment la mise en place du référentiel national des obstacles à l’écoulement des eaux, accompagné d’une évaluation de l’impact de chaque obstacle sur la continuité écologique.
2- la définition de priorités d’intervention par bassin qui doit en particulier s’appuyer sur les schémas d’aménagement et de gestion des eaux.
3- la révision des 9èmes programmes des agences de l’eau et des contrats d’objectifs, permettant de dégager les financements nécessaires pour mobiliser les maîtrises d’ouvrage et aménager 1200 ouvrages prioritaires avant 2012.
4- la mise en œuvre d’un programme pluriannuel d’interventions sur les obstacles les plus perturbants pour les migrations piscicoles coordonnant l’action de la police de l’eau et l’action incitative des agences de l’eau.
5- l’évaluation des bénéfices environnementaux des mesures mises en œuvre.
Le plan vise de préférence l’effacement ou l’arasement des ouvrages non entretenus ou n’ayant plus d’usage économique avéré et privilégie des solutions de gestion ou d’aménagement pour les seuils et barrages ayant conservé un usage [5] » .
La circulaire du 18 janvier 2013 déjà citée constitue l’un des éléments importants de la mise en place de ce plan.
[1] Pour une installation hydro-électrique, on parle plutôt de démantèlement car il faut démolir le barrage, mais aussi l’ensemble des autres installations destiné à la production et au transport de l’électricité.
[2] Lorsque l’on parle d’équilibre en écologie, on ne parle pas d’un état qui resterait immuable. Un écosystème est en effet un système dynamique qui évolue en permanence. « On réserve donc l’adjectif « équilibré » pour parler, non pas de l’écosystème, mais de son fonctionnement. Dire qu’un écosystème a un fonctionnement équilibré signifie alors que cet écosystème a atteint un stade de développement tel que les boucles de rétroactions entre ses éléments constitutifs sont suffisantes, en nombre et en qualité, pour garantir à sa biocénose des conditions qui vont rester favorables sur la durée. Ceci ne signifie pas que l’écosystème n’évolue pas (par exemple certaines espèces peuvent disparaître et d’autres apparaître), mais signifie que l’écosystème évolue sur une trajectoire stable. » (Chocat B. et al, 2014).
[3] Le délai peut être réduit par des mesures d’accompagnement adaptées, mais le cycle annuel constitue le cycle de base de tout écosystème et plusieurs cycles sont nécessaires pour stabiliser un milieu.
[4] Cette circulaire précise les principes généraux et les modalités d’application des classements de cours d’eau prévus à l’article L.214-17 du code de l’environnement. Elle est téléchargeable sur :
http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2013/02/cir_36497.pdf
[5] Le texte exact est le suivant « La restauration de la continuité écologique passe par la suppression de « l’obstacle » à cette continuité, ce qui ne signifie pas systématiquement la suppression de « l’ouvrage ». Des solutions de gestion ou d’aménagement, telles que des ouvertures régulières de vannes ou des passes à poissons permettent l’atténuation de l’effet de l’obstacle tout en maintenant l’ouvrage et son usage. Toutefois, les ouvrages non entretenus doivent de préférence être modifiés afin d’assurer par leur caractéristiques mêmes la continuité écologique (arasement, brèches, démolition, etc.).