L’eau est souvent perçue comme un bien fourni gratuitement par la nature. L’idée même de payer un bien gratuit paraît donc discutable. En réalité, le prix qui apparaît sur la facture d’eau n’a que très peu de choses à voir avec le prix de la matière première. Ce prix est en effet celui nécessaire pour protéger et capter la ressource, rendre l’eau potable, la distribuer dans tous les appartements et toutes les maisons, puis, le cas échéant, la récupérer dans un système d’assainissement et la rejeter au milieu naturel après l’avoir épurée. On devrait donc parler de « prix du service de distribution d’eau et d’assainissement » et non de « prix de l’eau ».
Selon le rapport de l’ONEMA de février 2012 réalisé dans le cadre de l’observatoire national des services publics de l’eau et de l’assainissement, le prix moyen des services d’eau et d’assainissement s’élevait en 2009 à 3,62 €TTC/m³. Cela représente une facture moyenne annuelle de 434 € pour une consommation de 120 m³, soit une dépense mensuelle de 36 € par ménage. Cependant, cette moyenne cache des disparités, puisque le prix est compris dans une fourchette allant de moins d’un euro à plus de 6 euros par m³.
Le prix d’un litre d’eau potable est 200 fois plus faible que celui d’un litre d’eau en bouteille. Le service de distribution d’eau et d’assainissement est par ailleurs remarquablement efficace : il permet de livrer une tonne de produit, à la qualité garantie, à n’importe quel étage, puis de l’évacuer après usage et de la restituer au milieu naturel, après l’avoir épurée, pour à peine plus de 3 euros !
Le poste de dépenses « eau et assainissement » représente environ 1,25% du revenu disponible moyen d’un ménage. Ce poste de dépense est par exemple inférieur à celui consacré au téléphone. Il paraît donc peu élevé par rapport au service rendu. On accepte en effet de payer autant, voire plus, pour des postes beaucoup moins vitaux.
Malheureusement, même à ce tarif, les catégories socio-économiques les plus vulnérables de la population française ont des difficultés d’accès à l’eau. En effet, pour les 10% des ménages les moins aisés, le poste de dépenses « eau et assainissement » dépasse le seuil des 3%, considéré comme le critère de difficulté d’accès à l’eau. Cette situation est inquiétante et justifie la mise en œuvre de mesures sociales (dont des tarifications sociales adaptées). L’accès à une eau de qualité est en effet un élément indispensable de santé publique et de dignité humaine.
Les modalités actuelles de comptage sont généralement basées sur l’hypothèse que le volume d’eau évacué est le même que le volume d’eau potable consommé, même si la loi sur l’eau de 2006 prévoit la possibilité de comptages séparés. Ceci peut poser des questions d’équité pour le financement de l’assainissement, par exemple pour les personnes qui utilisent des eaux pluviales récupérées ou des eaux provenant d’un puits pour alimenter leurs chasses d’eau [1].
La logique de tarification, d’ailleurs contrainte par la loi, est surtout destinée à inciter les usagers à limiter leur consommation. Elle sous-estime souvent la part fixe au détriment de la part proportionnelle au volume consommé (en moyenne la part fixe représente 80% des coûts et seulement 15% des recettes). Cette logique de tarification, associée à la baisse importante observée des consommations, peut remettre en cause la durabilité du service. Globalement les recettes des services d’eau et d’assainissement diminuent, alors que les besoins de financement pour maintenir le patrimoine en état ou pour améliorer l’efficacité de traitement des eaux usées augmentent.
[1] L’injustice est plutôt pour le service d’assainissement : si ces usagers n’installent pas de comptage et ne déclarent pas leurs ressources privées, comme la loi les y oblige, ils privent le service d’assainissement d’une recette venant équilibrer les charges induites par leurs rejets dans le réseau.
La facture se décompose en trois postes principaux :
Il n’est donc pas juste de parler de « prix de l’eau ». On devrait plutôt parler de « prix du service de distribution d’eau et d’assainissement ».
La base de données nationale SISPEA compile l’ensemble des données sur l’eau et en particulier celles fournies par les communes sur les prix facturés. [1]
Comme une partie des prix est fixe (par exemple le prix de l’abonnement) et que le tarif facturé par m³ peut être variable en fonction de la quantité consommée (voir § « le mode de tarification est-il pertinent ? »), les données sont comparées par convention sur la base d’une consommation théorique de 120m³ par an. Ce volume correspond à la consommation moyenne théorique d’une famille. Ce chiffre doit être relativisé car la consommation réelle est en baisse constante.
Selon le rapport de l’ONEMA [2] de février 2013 issu des données de la base nationale SISPEA, le prix moyen des services d’eau et d’assainissement s’élevait au 1er janvier 2010 à 3,62 €TTC/m³. Cela représente une facture moyenne annuelle de 434 € pour une consommation de 120 m³, soit une dépense mensuelle de 36 € par ménage. Cependant, cette moyenne cache des disparités puisque le prix est compris dans une fourchette allant de moins d’un euro à plus de 6 euros par m³.
Le cadre réglementaire européen stipule que la fourniture d’eau potable et l’évacuation des eaux usées constituent des services commerciaux qui doivent être budgétairement équilibrés, ce que l’on simplifie dans la formule « l’eau doit payer l’eau ». L’usager de l’eau est donc en théorie un client qui paye strictement le service fait, plus une marge bénéficiaire connue lorsque le gestionnaire est privé. Ce principe impose de fait que le prix varie selon les sites, selon la plus ou moins bonne disponibilité de la ressource, l’état des infrastructures et les travaux à entreprendre, la densité de la population, etc..
Ainsi, en 2008 les départements de la Réunion, la Guyane, les Alpes-de-Haute-Provence, l’Ain, le Cantal et le Jura présentaient en moyenne un prix inférieur à 2,50 € par m³, tandis que les prix supérieurs à 4 € par m³ se trouvaient en Seine-et-Marne, dans les départements bretons, dans la Manche, en Vendée, ainsi qu’en Guadeloupe et en Martinique.
Ces prix ne sont cependant pas comparables s’ils n’intègrent pas les mêmes services : un prix de l’eau potable seul ne peut être comparé à un prix qui tient compte de l’eau potable et de l’assainissement collectif.
La réglementation impose aujourd’hui une grande transparence dans le prix de l’eau. La base de données SISPEA fournit un accès simple et direct au prix des services d’eau et d’assainissement, commune par communeTéléchargeable sous http://www.services.eaufrance.fr/synthese/rapports
Ou :http://www.services.eaufrance.fr/base/recherche/geo/prix-eau-assainissement
].
Tous les services n’ont cependant pas encore transmis les informations pour les communes qu’ils représentent.
[2] Téléchargeable sous http://www.services.eaufrance.fr/synthese/rapports
Cette question est trop générale pour que l’on puisse lui donner une réponse unique.
En termes économiques, l’évaluation du caractère excessif du prix d’un produit ou d’un service dépend de deux choses :
De façon pragmatique, un grand nombre de critères peuvent être utilisés pour caractériser une eau trop chère (voir par exemple le livre d’Henri Smet).
Ces différents critères sont développés dans les paragraphes suivants.
La question de base est la suivante : le prix excède-t-il de façon importante les frais réels engagés pour produire le service ? La question complémentaire, plus polémique, est la suivante : dans le cas d’une délégation de service, la compagnie privée qui assure le service d’eau et d’assainissement fait-elle des bénéfices exorbitants ?
Cette question paraît normale à poser si l’on observe que beaucoup de villes qui viennent de renégocier les contrats avec leur gestionnaire ou de reprendre le service en régie directe ont baissé de façon significative le montant de la facture d’eau.
Observons tout d’abord que le recours à un gestionnaire privé induit de fait le principe d’une marge bénéficiaire. Définir ce que devrait être un bénéfice « acceptable et raisonnable » est une question pour laquelle on ne dispose guère d’éléments de réponse, compte-tenu des difficultés d’accès aux données financières des gestionnaires privés et de l’absence de débat démocratique sur la question. Les contrats de délégation actuels ont cependant le mérite de permettre un affichage clair de la marge bénéficiaire.
Observons ensuite qu’un bénéfice de 1% sur un marché de près de 12 milliards d’euros représente une somme considérable de plus de 120 millions d’euros et qu’il n’est donc pas nécessaire de faire une très grosse marge pour dégager des revenus confortables. Exprimé de façon différente, compte tenu de la variabilité du coût du service d’eau et d’assainissement, une marge bénéficiaire même forte et excessive ne va pas obligatoirement se traduire par un renchérissement facilement visible du prix facturé.
Le bénéfice peut donc être excessif sans que le prix ne paraisse abusif et réciproquement.
Nous ne répondrons donc pas ici de façon générale à la question du bénéfice exorbitant, qui doit être analysée au cas par cas en fonction du contexte local. Les outils réglementaires actuels permettent aux collectivités locales et aux usagers d’analyser en détail les dépenses effectivement engagées et de s’assurer que le prix facturé est « raisonnable » par rapport à ces dépenses.
Les services d’eau et d’assainissement constituent à l’évidence des services essentiels en termes de santé publique, de dignité humaine et de confort de vie. Or le poste de dépenses « eau et assainissement » représente seulement 1,25% du revenu disponible moyen d’un ménage. Même s’il atteint 3% pour les 10% des ménages les moins aisés, il reste très inférieur à beaucoup d’autres postes beaucoup moins indispensables à la vie. A titre comparatif, la dépense annuelle moyenne par ménage pour les services d’eau et d’assainissement est inférieure à celle consacrée aux postes « tabac et produits connexes » ou « boissons alcoolisées » ou encore à celle consacrée au téléphone .
Une autre comparaison intéressante consiste à mettre en parallèle le prix payé pour l’eau du robinet avec celui payé pour l’eau en bouteille :
Un tel écart de prix pour un aussi faible écart de qualité n’existe pratiquement sur aucun autre produit, excepté peut-être pour le vin, mais les vins "hors de prix" restent rares.
La réponse à cette question est donc plus simple que pour la précédente : le prix payé ne semble pas élevé par rapport au service rendu.
Les moyens mis en œuvre pour rendre le service sont-ils réellement efficaces ? L’utilisation d’une autre ressource ou d’une autre technologie permettrait-elle de le réduire ?
Cette question est souvent posée de la façon suivante :
Même si c’est extrêmement surprenant, la réponse à cette question est souvent oui, il est dans de nombreux cas logique et raisonnable d’utiliser de l’eau potable pour alimenter sa chasse d’eau ou laver sa voiture !
La raison de cet apparent paradoxe est finalement assez simple. Le surcout nécessaire pour transformer une eau brute en eau potable est très faible et n’intervient que marginalement dans le coût du service. L’essentiel des dépenses est associé à l’amortissement et au fonctionnement du réseau de transport et de distribution. Il couterait presque toujours beaucoup plus cher à la collectivité de construire et de maintenir deux réseaux, un d’eau potable et l’autre d’eau non potable.
Il peut en revanche être très pertinent de développer l’utilisation d’autres ressources ne nécessitant pas d’infrastructure importante pour certains usages (par exemple récupérer les eaux de toitures pour arroser son jardin ou les espaces verts collectifs).
Une façon d’aborder cette question consiste à raisonner en coût par unité de poids pour des produits facilement disponibles. Cette approche est raisonnable car le coût d’acheminement constitue un facteur majeur du coût total du service d’eau et d’assainissement. Elle permet de s’abstraire du contexte et de raisonner plus librement.
Une analogie simple consiste par exemple à se demander quel dispositif technique il faudrait inventer qui permette de creuser un trou quelque part dans le sol de la ville, puis de tamiser une tonne de terre, de la monter au huitième étage, ensuite de la redescendre, de reboucher le trou et de remettre le terrain en état pour un prix de revient de l’ordre de 3€.
De toute évidence, il n’existe pas de solution simple à ce problème.
Le dispositif technique qui assure la production, le traitement et la distribution de l’eau potable, puis la collecte, l’évacuation et l’épuration des eaux usées est en réalité remarquablement efficace et le coût apparent, nécessaire pour rendre ce service et répercuté sur le prix facturé, est très bas.
Ceci ne signifie pas qu’il soit impossible d’optimiser et de limiter certains coûts ; par exemple :
Le service repose sur un patrimoine d’infrastructures très développé qui s’est constitué principalement au cours du XXème siècle en mobilisant des ressources financières diverses et importantes. Or ce patrimoine vieillit et la question de sa réhabilitation, voire de son renouvellement, se pose. En vertu du principe « l’eau paye l’eau », les frais associés devraient être supportés sur la facturation du service. Or, dans la plupart des collectivités c’est très loin d’être le cas et le poste « modernisation des réseaux » est souvent absent, ou en tout cas insuffisant, pour assurer un simple maintien en état du patrimoine. C’est donc une dette que nous transmettons à nos enfants et à nos petits-enfants.
Cette question est tout aussi importante que les précédentes. Sa nature est cependant totalement différente. Tout le monde est d’accord sur le fait que l’accès à des services d’eau et d’assainissement constitue un facteur essentiel de santé publique et de dignité humaine. Le prix de ces services ne devrait donc pas être tel qu’il en interdit l’accès à certaines populations.
Une réalité également assez bien connue est qu’à une échelle planétaire, l’accès à ces services est loin d’être la règle. Les études les plus récentes faites au moment du forum sur l’eau de Marseille en 2012 montrent que « plus de 1,9 milliards de personnes n’ont d’autres choix que de boire une eau dangereuse pour leur santé. Le nombre de celles qui boivent une eau de qualité douteuse dépasse les 3 milliards, soit près de la moitié de la planète » (voir l’ouvrage de Gérard Payen : « de l’eau pour tous »). Le nombre de personnes qui n’ont pas accès à des installations sanitaires minimum est du même ordre de grandeur. Selon l’OMS, les maladies hydriques (dues à l’ingestion d’eau non potable ou au contact avec de l’eau souillée) sont l’une des premières causes de mortalité dans le monde avec près de 3,6 millions de victimes par an, majoritairement des bébés et des enfants jeunes. Si l’on intègre les maladies parasitaires associées aux milieux aquatiques (en particulier la malaria) ce chiffre atteint les 8 millions.
La raison première de cette situation catastrophique est qu’un nombre important de personnes n’ont pas la capacité de payer les coûts nécessaires à la fourniture d’un service d’eau et d’assainissement minimum. Pour l’instant, dans beaucoup de régions du monde, la seule solution réside dans l’aide et l’assistanat, ce qui, malheureusement ne constitue pas une solution réellement durable.
On pourrait penser que ce problème ne concerne pas la France qui bénéficie d’infrastructures suffisantes en quantité et en qualité pour apporter à tous un service suffisant. La réalité est cependant différente. Le rapport rédigé dans le cadre du protocole sur l’eau et la santé des Nations Unis montre qu’en France métropolitaine, près de 2% de la population ont des difficultés d’accès à l’eau. Même s’il s’agit essentiellement de groupes vulnérables (bénéficiaires des minimas sociaux, travailleurs pauvres) ou marginalisés (gens du voyage, SDF), cette situation est inquiétante et justifie la mise en œuvre de tarifications adaptées ou le développement de moyens spécifiques d’accès à l’eau.
De 2004 à 2008, le prix moyen des services d’eau et d’assainissement a augmenté de 3,3 % par an, soit une croissance nettement plus élevée que la hausse de l’indice des prix à la consommation de l’ensemble des ménages qui a été de 1,9 % par an. La hausse la plus sensible en valeur concerne le prix de l’assainissement (+3,7 % par an entre 2004 et 2008). La part de l’assainissement dans le prix du service d’eau et d’assainissement en 2008 était de 53 % (en incluant les redevances pollution), et dépasse donc celle de l’eau potable.
Il est souvent avancé que cette évolution reflète l’amortissement des coûts de mise aux normes progressive des stations d’épuration selon la législation européenne et l’extension de l’assainissement collectif.
Elle pose cependant un vrai problème d’acceptabilité, en particulier si elle doit se poursuivre dans les années à venir et justifie un vrai débat sur le prix des services d’eau et d’assainissement.
Il est très difficile de définir ce qu’est un tarif « équitable ». Deux hypothèses très différentes s‘opposent :
La réalité de la tarification est un intermédiaire entre ces deux positions extrêmes :
Plus la taille du territoire est grande, plus il est possible de bénéficier d’économies d’échelle qui permettent une réduction des coûts unitaires du service et plus les tarifs sont homogènes du fait de la péréquation effectuée pour appliquer à chaque usager le même tarif.
Le choix des limites administratives du territoire au sein duquel on gère le service d’eau et d’assainissement est donc en fait un choix éminemment politique de mutualisation et de solidarité entre les collectivités.
Même si les mots « équitable » et « juste » peuvent être considérés comme des synonymes, nous traitons dans ce paragraphe d’un aspect très différent. Il s’agit de la justesse de la mesure des volumes pris en compte pour la facturation.
Nous ne discutons pas de la justesse spécifique du compteur d’eau potable, mais de l’hypothèse forte selon laquelle le volume annuel évacué dans le réseau d’assainissement est identique au volume consommé, tel qu’il est mesuré sur ce compteur. La conséquence de cette hypothèse est forte car la part relative à l’assainissement est au moins équivalente à celle relative à l’eau potable.
On comprend bien la logique de cette hypothèse qui évite d’installer un second compteur, plus difficile à concevoir sur le plan technique, sur le réseau d’évacuation. Il est en effet assez évident que les volumes rejetés doivent être, dans la plupart des cas, assez proches des volumes consommés.
Ceci n’est cependant pas toujours vrai. L’eau utilisée pour l’arrosage par exemple n’est pas évacuée par le système d’assainissement et il n’y a aucune raison de payer des frais pour son assainissement. A l’opposé, si un usager récupère les eaux de pluie de sa toiture ou utilise l’eau de son puits pour alimenter sa chasse d’eau ou sa machine à laver, il évacue des eaux qui ne sont pas passées par le compteur d’eau potable mais qui doivent pourtant être assainies.
La loi sur l’eau de 2006 a prévu de répondre à ces différentes situations. Elle permet la mise en place, à la demande de l’usager, de compteurs « verts » qui ne seront pas pris en compte pour la tarification de l’assainissement. Elle impose la mise en place de compteurs sur les ressources privées qui permettront, au contraire, de prendre en compte les volumes complémentaires rejetés pour l’assainissement. Cependant l’application de ces dispositions est encore loin d’être effective.
Le principe selon lequel l’eau paye l’eau induit l’obligation de répercuter globalement l’ensemble des dépenses dans le coût facturé. Il est cependant possible de jouer sur la structure tarifaire pour atteindre des objectifs divers :
Nous ne discuterons pas ici ces différents éléments qui ressortent de choix politiques au sens le plus noble du terme. Nous nous contenterons de donner des éléments de réflexion sur la plus ou moins grande pertinence des grilles tarifaires, en considérant que la tarification est pertinente si les règles de calcul du tarif tiennent compte « avec pertinence » de la structure des coûts.
La question de la pertinence des tarifs est particulièrement importante en ce qui concerne le partage entre les coûts fixes et les coûts variables eu-égard à l’assiette de facturation des services (le nombre d’usagers à desservir) : plus le nombre d’usagers à desservir est important, plus il est facile pour le service d’amortir ses coûts fixes et plus il dispose de marges de manœuvre sur le plan tarifaire)
L’essentiel des dépenses à couvrir n’est pas directement lié aux quantités d’eau produites ou traitées, mais à des coûts fixes qui en sont indépendants et qui représentent souvent entre 80% et 90% de la dépense totale.
La logique voudrait donc que la part fixe, indépendante de la quantité consommée, représente au moins 80% du montant à payer.
Dans la réalité, on est très loin de ce partage. En 2008, sur une facture moyenne d’environ 400 € pour un ménage type (120 m3 d’eau consommée par an), la part fixe (souvent associée strictement à l’abonnement) était de 60 € en moyenne (variant de 36 € en Île-de-France à 127 € en Corse), soit de l’ordre de 15% en moyenne. L’arrêté du 6 août 2007 modifié limite d’ailleurs le montant maximum de la part fixe à une valeur plafond correspondant « … à 40 % du coût du service pour une consommation d’eau de 120 mètres cubes, par logement desservi et pour une durée de douze mois, tant pour l’eau que pour l’assainissement. »
Au regard du seul critère de la prépondérance des coûts fixes, il serait également logique d’appliquer un tarif dégressif (plus on consomme et moins on paye cher le m3).
La réalité des tarifs est très différente, car la loi sur l’eau impose par défaut (sauf contexte dérogatoire) une part variable, fixe ou progressive visant principalement à maitriser les prélèvements. Le prix du m3 d’eau peut ainsi être constant quel que soit le volume consommé. Il peut également augmenter par tranches de consommation.
Ces politiques tarifaires multiformes s’expliquent facilement par la diversité des objectifs pris en compte pour fixer les tarifs et en particulier la volonté de généraliser les économies d’eau. Elles peuvent parfaitement se comprendre et se défendre.
Il est cependant nécessaire de les réinterroger au regard des enjeux de durabilité économique, environnementale et sociale. En effet, le coût global de fonctionnement du service n’est que peu affecté par les variations de la consommation, alors que les recettes en dépendent directement. Par exemple, un calcul basique montre qu’une diminution, tout à fait possible dans les années à venir, de 10% de la quantité d’eau consommée, réduirait de 7 à 9 % les ressources financières, mais seulement de 1 à 2 % les dépenses.
L’équilibre budgétaire serait alors impossible à assurer, sauf en augmentant le prix facturé par mètre cube d’eau consommée.
La question peut paraître provocatrice, mais elle est d’actualité (voir par exemple les travaux du Comité National de l’Eau).
Si les consommations continuent à baisser (ce qui est une bonne chose), si l’on souhaite continuer à garantir le service et donc maintenir le système (ce qui paraît être une nécessité) et si les exigences augmentent, aussi bien en ce qui concerne la qualité de l’eau distribuée que le niveau de protection des milieux naturels (ce qui est aussi une bonne chose), il sera nécessaire de trouver de nouvelles ressources financières.
Les vraies questions sont donc les suivantes :